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Depuis la veille, je lisais » Lèvres de pierre » de Nancy Huston ( chez Actes Sud, parution aout 2018 ), tout juste reçu en cadeau. Elle est belle, en plus Nancy Huston.
Pendant l’été, j’avais découvert « Bad girl » ( Actes Sud, 2017), en particulier pendant l’interminable vol transatlantique. Drôle de livre, une autobiographie rédigée par le futur bébé pendant sa croissance in utéro. Mais ce sera pour une autre fois : aujourd’hui, « Lèvres de pierre. « 
Le long des façades je tournais les pages. C’est normal, pour un numéro 1 de ce blog intitulé
» Tourneuse « .
J’ai toujours fait ça, non pas commencer des blogs, mais continuer à lire en marchant. Exercice périlleux. J’ai plein de souvenirs là-dessus, y compris le jour où arrivant au Siège, je suis tombé nez-à-nez avec mon big patron, et je lisais son livre le plus détesté.
Bon, encore ça , c’est pas le sujet. Le sujet : ce roman. Mais dans ce quartier, les trottoirs étroits et les filles jolies ralentissent la marche. Sans parler de détourner de la lecture…
Autant l’avouer : mes pas rencontrent souvent des Tourneuses, je les nomme Tourneuses de Sage : la tête tourne. Nul ne sait pourquoi elles apparaissent soudain dans une vitrine, au bord d’une fenêtre, sur un banc- dans la ville.
En vrai, autant vous l’avouer : j’ai un autre « blog », qui fait le sérieux et même presque le « littéraire » (quel ambitieux blanc-bec!). Des heures j’y passe, pesant images et mots. Quel boulot . Du coup, il va vivre sa vie sur des sites qui se veulent « sociaux », et qui ( donc? ah oui ? ) censurent la fesse et le poil. Grand bien lui fa/esse.
Donc ? Ah oui, un deuxième blog, un blog pour parler pas que de soi mais avec les images qu’on aime, et surtout au fil des jours et du clavier.
Eh bien voila : c’est ici, » La tourneuse des Epinettes »
Revenons aux passantes rue de Rennes, puis rue de Buci: je ne peux rien garantir sur leur existence. Nous sommes dans un monde où on n’est sûr de rien, pauvres de nous. Sur l’émotion produite, oui ! Il faut dire que mon imaginaire pas du tout inhibé se permet un peu de les » détourer », ce qui n’est pas désagréable à voir, non?
Ah oui : La réunion à Montparnasse avait fini tôt, il faisait beau dans Paris, et j’aime toujours les promenades sans but ni fin. Sauf – inévitable- la faim des lumières sur les tables des bistrot, des éclairs dans les chevelures des filles. Dans ce quartier, beaucoup de touristes, d’américaines joyeuses : langue forte, shorts, et tous ces gestes un peu en trop.
L’une d’elle s m’a demandé où on se trouvait, pour de juste ?
Je l’ai invitée à boire un verre- en toute amitié franco-américaine, bien sûrrrr. Elle avait dû lire » Bad Girl »( de…qui au fait? Nancy Huston !) qui n’est pas bégueule en matière de sentiments ni de généreux dévoilements.
Nancy, rue de BUCI, (humm, patissier de choix, terrasses pour gogos mais savoureuses, et la librairie d’art).
Bon, ensuite, évidemment c’était dur d’avancer ( livre et rue), surtout parce que le roman -étonnant- évoque deux existences : la vie du dictateur cambodgien Pol Pot depuis sa naissance , mais vue de l’intérieur, par lui-même, depuis sa conscience: comment devient -on un bourreau? Et la vie trépidante de Nancy, jeune américaine, en particulier lors de son séjour « type Erasmus » à Paris en pleines révolutions intellectuelles et féministes : comment devient on écrivaine française?
Je vous vois un peu surpris(e) ?Heureusement, les féministes ont gagné (un peu) , les femmes ont gagné (pas mal), et je suis paisible avec mes photos – humour et second degré. Enfin, si on veut.
Dans le roman de Nancy Huston, il y a des pages très drôles quand elle évoque les « grands penseurs » et petites âmes de l’époque, passant la nuit à parler révolution, mais sans renoncer au cigare (cubain) ni à des expérimentations savoureuses de sexe à plusieurs- avec un grand cru de bordeaux pour se remettre. Attente paisible des petites étudiantes.
Me voici lancé dans mes pages de « Tourneuse des Epinettes » , j’ai souri à un passage : elle (Nancy) n’a pas couché avec ce prof d’université là (contrairement à pas mal d’autres). 
Lui, c’est un intellectuel désabusé qui s’intéressait à ses étudiants ou à des gamins consommés au Maghreb. Deux lignes, on reconnait ( je reconnais) ce bon vieux Roland Barthes ( lire : de Laurent Binet : » la septième fonction du langage », hilarante chronique de la mort de Barthes, tableau à charge émoustillant de la classe intellectuelle dominante de l’époque.
Donc, me voici lancé dans mes pages à Tourneuse, et je me demande combien de lectrices/lecteurs ( très hypothétiques) peuvent déchiffrer une allusion à Barthes?
Donc, je lisais Nancy rue de Buci, et m’amusais de ses regards caustiques (mais attendris) sur les mœurs de l’intelligentsia parisienne –
qui fréquentait encore ce quartier où je marchais.
L’autre versant du livre, des pages très fortes dans leur apparente sécheresse documentaire : Pol Pot, et c’est ahurissant : on avait oublié beaucoup d’histoire sur les raisons de sa prise de pouvoir. les horreurs et malheurs de la dictature sanglante sont racontés sans complaisance mais avec une sorte de grande tristesse : Nancy aime l’humanité, les petits, les victimes.
Le « voyage à l’intérieur » ( dans la conscience de Pol Pot) perme de comprendre une logique terrible ( pas de l’excuser , bien sûr).
Bref, j’ai continué à marcher en passant devant l’odéon, et je me suis assis sur un banc du jardin du Luxembourg pour finir :
avec les joggeuses et les statues, toujours pareil, difficile de se concentrer dans les fameux jardins de Paris…
Main l’une de mes voisines de clavier semble supposer que j’arrive ? La suite avec la prochaine tourneuse !
thème :
Entre les menus espaces abandonnés, de temps en temps, ici,derrière les sites froids et réseaux muets, de temps en temps ici un passage plus secret, davantage intime (et parfois impudique), lieu de laissers-allers, au moins aparent
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